Il était une fois, il y a cent ans, le 16 octobre 1923, les frères Walt et Roy, fondent les Disney Brothers Studios dans leur garage californien. Cette TPE de courts métrages animés a survécu aux crises successives. Pour devenir un leader mondial du divertissement, elle est parvenue non seulement à innover dans son offre de produits mais aussi à déployer une communication efficace.
La liste des innovations de The Walt Disney Company est impressionnante, pour ne citer que celles qui ont connu le succès : synchronisation image et son (Steamboat Willy), dessin animé en couleurs (Silly Symphonies), long métrage d’animation (Blanche-Neige et les Sept Nains), produits dérivés (jouets, vêtements…), synergie marketing et media (ciné, presse, tv), université pour artistes animateurs (Cal Arts), films en 3 D (Tron, Pixar), chaîne tv câblée (Disney Channel), boutiques (Disney Stores), shows de Broadway (The Lion King), immobilier (Storyliving), bateaux de croisières (Disney Cruise Line), conventions de fans (D23), SVOD (Disney +), …
La plus fameuse innovation reste bien sûr la diversification dans le tourisme avec la création de Disneyland le 17 juillet 1955. Walt Disney souhaite offrir aux familles un divertissement de meilleure qualité que les traditionnelles fêtes foraines, avec plus de sécurité et de propreté et où les parents s’amuseront autant que leurs enfants. Il transcende le concept du parc d’attractions (Luna Park) par l’invention du parc à thèmes.
“Ce n’est un secret pour personne que nous avons misé tout notre argent sur la possibilité que les gens s’intéressent à quelque chose de totalement nouveau et d’unique dans le domaine du divertissement.”
Walt Disney
L’innovation majeure consiste en des scénographies réalistes de type décors de cinéma qui plongent les visiteurs dans les univers enchantés des films ou des périodes magnifiées de l’histoire nord américaine (conquête de l’Ouest, Gilded Age et même le futur). Les attractions et manèges sont thématisés, mais pas seulement.

Le parc, coupé de la vie réelle par des buttes végétalisées, est divisé en 5 mondes fantaisistes avec chacun une histoire spécifique. Restaurants, boutiques et hôtels, à thèmes eux-aussi, viennent compléter l’offre pour une expérience totale avec dépaysement garanti. Un vrai saut à pieds joints dans les dessins à la craie sur le trottoir du ramoneur Bert dans « Mary Poppins » !
À produit disruptif, communication disruptive
Pour promouvoir son concept de parc à thèmes, Disney innove aussi dans sa communication, tant sur la forme que sur le fond. En 1954, il est le premier studio à signer un contrat avec une chaîne de télévision. Il balaye d’un revers de main le snobisme des nababs d’Hollywood pour la télévision, ce trivial média populaire. Le pragmatique Disney s’adresse à son public là où il est. Et il fait ce qu’il sait le mieux faire : raconter des histoires.
Pour le network ABC, il produit une émission dominicale qui s’appelle… « Disneyland » ! Ce programme d’une heure présente chaque semaine un nouvel aspect de l’offre du futur parc à thèmes : un land, une attraction, l’avancée des travaux, etc.

Chaque sujet est illustré par un film, une série, un reportage qui s’adressent à la fois à la raison et au cœur des spectateurs. C’est là, par exemple, que sont nées les séries “Zorro” et “Davy Crocket” pour promouvoir Frontierland. Cette publicité continue, sur une chaîne nationale pendant deux ans, fonctionne si bien que l’inauguration connaît un succès de fréquentation phénoménal.
Toute innovation a une histoire
Quand on étudie les biographies d’entrepreneurs plus récents, on découvre combien Walt Disney en a inspirés plus d’un, en établissant de nouvelles règles dans le monde des affaires et de la communication. Lui et ses équipes maîtrisent le storytelling comme personne.

Un autre génie des affaires, un vendeur hors pair, Steve Jobs a su pousser à son paroxysme l’utilisation du storytelling pour vendre ses produits. Toujours sous l’angle de la révolution, de la disruption ou de l’innovation. Dans son livre de conseils en affaires, « Build », Tony Fadell, l’inventeur de l’iPod, de l’iPhone ou encore de Nest, révèle quelques secrets de Steve Jobs en matière de storytelling pour vendre un produit innovant.
Jobs applique exactement les mêmes principes que Disney pour présenter un nouveau produit disruptif. Tony Fadell détaille le principe :
« Tout produit doit avoir une histoire, un récit qui explique pourquoi son existence est essentielle et comment il va résoudre les problèmes de votre client. (…) Et cette histoire n’existe pas uniquement dans le but de vendre votre produit. Elle vous aide à le définir, à le comprendre, et à comprendre vos clients.
C’est elle que vous racontez à vos investisseurs pour les convaincre de vous donner de l’argent, à de nouveaux employés pour les convaincre de rejoindre votre équipe, à des partenaires pour les convaincre de travailler avec vous, et à la presse pour convaincre les journalistes de s’y intéresser. Et enfin, c’est elle que vous racontez à vos clients pour les convaincre qu’ils veulent ce que vous vendez. »
Et tout commence par « pourquoi »
Tony Fadell poursuit : « Une bonne histoire comprend trois éléments : elle fait appel aussi bien au côté rationnel qu’au côté émotionnel des gens ; elle prend des concepts complexes et les simplifie ; elle rappelle aux gens le problème que le produit résout – elle se concentre sur le « pourquoi ».
(…) Pourquoi ce produit doit-il exister ? Pourquoi est-il important ? Pourquoi les gens en auront-ils besoin ? Pourquoi vont-ils l’aimer ? Pour trouver ce « pourquoi », vous devez comprendre le cœur du problème que vous essayez de résoudre, le vrai obstacle auquel vos clients sont confrontés régulièrement. »
C’est le fameux « pain point » du pitch pour emporter l’adhésion ou vendre votre produit ou une idée. Vous décrivez le mal que vous soulagez. Le but est que tout le monde croie à l’utilité de votre produit. Évitez d’apparaître comme une solution en quête d’un problème.
« Lorsque j’ai commencé à travailler sur Disneyland, ma femme me disait : “Mais pourquoi veux-tu construire un parc d’attractions ? Ils sont tellement sales.” Je lui ai répondu que c’était justement le but, et que le mien ne le serait pas. »
Walt Disney
Cet argument de Disney sur la propreté pour faire venir les gens dans son parc n’aurait pas été suffisant pour les convaincre. Si vous ne soulagez pas un mal, faites comme lui dans ses émissions de télé promotionnelles pour Disneyland, permettez aux gens de faire des choses qu’ils ne pouvaient pas faire avant, dépeignez le meilleur des mondes que vous offrez. En l’occurrence ici le royaume magique Disneyland.
Le savant mélange rationnel et émotionnel
Une bonne histoire fait preuve d’empathie. Elle reconnaît les besoins de son public. Et elle combine des faits et des émotions dans un juste équilibre pour le client.
Dans un premier temps, il vous faut suffisamment de connaissances et d’informations concrètes pour étayer votre argument.
Dans un second temps, il est essentiel de faire appel à leurs émotions, de toucher à quelque chose qui leur tient à cœur. Leurs inquiétudes, leurs peurs. Ou de leur présenter une vision engageante de l’avenir : donnez un exemple concret pour qu’ils se projettent dans leur vie quotidienne en faisant l’expérience de votre innovation.
« Raconter des histoires est tout un art, précise Tony Fadell. Mais c’est aussi une science. Souvenez-vous par ailleurs que le cerveau de vos clients ne fonctionne pas toujours comme le vôtre. Dans certains cas, un argument rationnel peut créer un lien émotionnel. Dans d’autres, une histoire émotionnelle donnera aux gens les munitions rationnelles dont ils avaient besoin pour acheter votre produit. »
Les plus courtes sont les meilleures
Vous devez donc trouver l’occasion d’élaborer des histoires qui resteront dans les esprits de celles et ceux que vous voulez convaincre et les pousseront à continuer de parler de vous.
Tony Fadell rappelle une vérité qu’on oublie bien souvent : « Les histoires courtes sont faciles à mémoriser. Et plus important encore, elles sont faciles à répéter. La transmission de votre histoire d’une personne à une autre aura un pouvoir persuasif bien plus grand que n’importe quelle campagne publicitaire.
Votre objectif doit toujours être de raconter une histoire si efficace qu’elle finit par ne plus vous appartenir – une histoire que votre client va apprendre, aimer, intérioriser, posséder. Et qu’il va raconter à tout le monde. »
C’est exactement ce qu’a réussi à faire Walt Disney avec ses émissions « Disneyland ». En bon pédagogue, il était parvenu à rendre familier le concept innovant du parc à thèmes bien avant son ouverture.
Guilty Pleasure
Diffusée sur Netflix, “Le Journal d’Andy Warhol” est une série documentaire palpitante. Basé sur les écrits de l’artiste dans ses carnets intimes, le documentaire de six épisodes retrace de façon chronologique les quinze dernières années de la vie du pape du pop art.
Mais aussi pape de l’innovation et de la communication. Warhol est celui qui a su mieux que personne innover sans cesse dans son domaine tout en sachant communiquer dessus. Il s’était créé un personnage public atypique mais reconnaissable avec ses perruques argentées, ses looks travaillés et ses lunettes noires. Dans l’intimité, un être plus sensible mais fort aussi se révèle.
Ces sept heures d’archives vidéos, de photos et d’interviews de proches, offrent des points de vue sincères et personnels sur Warhol. Tout au long du documentaire, la voix off de l’artiste, reconstituée par un outil d’intelligence artificielle, lit les extraits du Journal. C’est plutôt bluffant.
“Le Journal d’Andy Warhol” est à voir sur Netflix.
Citation
« Qu’est-ce qui unit les peuples ? Les armées ? L’or ? Les drapeaux ? Non. Ce sont les histoires. Il n’y a rien au monde de plus puissant qu’une bonne histoire. Rien ne peut l’arrêter. Aucun ennemi ne peut la vaincre. »
Extrait du monologue de Tyrion Lannister, interprété par Peter Drinklage, dans le dernier épisode (S8 E6) de « Game of Throne ».
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