Peut-on vraiment être un manager coach ?

Attention, avec cet article je ne vais pas me faire de nouveaux amis parmi mes confrères qui prétendent que la posture de manager coach est possible !

En ce moment, je travaille à la refonte de mon site internet. C’est le genre d’exercice de communication qui conduit à repenser en profondeur son offre de services et à mesurer combien on est aligné, ou pas, avec ses valeurs. Un truc que les coachs adorent faire.

On se replonge dans son histoire et on identifie ce qui conduit notre carrière depuis le début. Dans la mienne, j’y vois plusieurs fils rouges dont la communication. Je la pratique depuis plus vingt-cinq ans maintenant. Mais je ne parle pas seulement de la communication promotionnelle ou institutionnelle, mais aussi de la communication interpersonnelle. C’est là que les soft skills ont fait leur apparition, lors de mes jobs d’étudiants. Je travaillais au début des années 90 pour des entreprises américaines comme Gap et Disneyland Paris qui avaient à l’époque des décennies d’avance sur les opérations de vente au détails et la relation clientèle. 

Comparées à la formation que j’avais suivie aux Galeries Lafayette pour le même type d’emploi, celles de ces deux grands groupes internationaux m’avaient bien plus appris. Et croyez-le ou non, je m’en suis servi tout au long de ma carrière. Ce qu’elles m’avaient enseigné est ce qu’on nomme aujourd’hui les soft skills, c’est-à-dire, en bon français, les compétences personnelles et comportementales. Elles sont indispensables pour qui veut réussir et s’épanouir professionnellement. Les étudespullulent sur le sujet.

Depuis sept ans que je me suis orienté vers le coaching, j’ai la chance d’avoir parmi vous des clients qui me suivent depuis le début et qui observent mon évolution. Bien que j’ai commencé ma carrière de coach en prise de parole (et je continue de le faire parce que j’aime ça), j’ai naturellement orienté mon activité vers le développement des soft skills de mes clients. Pour moi, c’est une extension logique, complémentaire et surtout naturelle. Accompagner mes clients à développer leurs soft skills, c’est les aider à mieux diriger (et manager), communiquer et convaincre.

Cette réflexion sur mon “Why”, comme le dirait Simon Sinek, m’a rappelé des souvenirs lorsque j’étais manager. J’adorais transmettre ces soft skills : je partageais des liens vers des articles, j’offrais des livres de développement personnel à Noël et je donnais des conseils lors de mes points hebdos avec mes collaborateurs. J’étais vraiment attaché à ce que chacune et chacun puisse personnellement progresser sur ses compétences humaines. J’observais les effets bénéfiques sur moi en termes de sérénité et de prise de recul. Et comme tout nouveau converti, je voulais évangéliser tout le monde à ces façons plus saines et respectueuses d’aborder le travail. Mais cela faisait-il pour autant de moi un manager coach ?

Honnêtement non, c’est impossible. C’est même antinomique. Pour une raison simple : l’absence de neutralité du manager vis-à-vis de l’entreprise et de la personne coachée. Je m’explique.

La neutralité du coach vis-à-vis de l’entreprise

La posture du coach est de travailler toujours dans l’intérêt de son coaché, pas dans celui de l’entreprise même si c’est elle qui l’embauche pour la mission de coaching. Bien sûr, au final, l’entreprise en retire un bénéfice : un collaborateur qui retrouve tout son potentiel pour perfomer avec plus de confiance. Ses progrès ont d’autant plus d’impact lorsqu’il est hiérarchiquement élevé dans l’organisation. Le coach apporte un soutien inconditionnel au coaché, il l’aide à clarifier ses objectifs et à entrer en action pour les atteindre. 

Ce travail, la personne coachée l’effectue à son rythme. Et si certains objectifs ne sont pas atteints tout à fait ou que d’autres émergent en cours de route, c’est ok. En coaching, l’entreprise n’impose pas son rythme cadencé par les échéances commerciales ou les clôtures de comptes trimestrielles en bourse. Le changement profond ne peut pas être forcé chez un individu. Le principal est que ce chemin s’effectue en respectant “l’écologie” de l’individu. 

Pour que le coaching soit effectif, il convient que cet espace de travail soit confidentiel et par conséquent soustrait à celui de l’entreprise. Deux éléments fondamentaux du coaching qu’un manager direct ne peut garantir, mais un coach oui. 

La neutralité du coach vis-à-vis de la personne coachée

Le second critère qui contribue à la réussite d’un coaching est la neutralité du coach vis-à-vis de la personne coachée. Cette condition peut vous sembler paradoxale alors que je viens de vous décrire l’engagement du coach à tout mettre en œuvre pour soutenir son coaché ? Oui c’est vrai, mais la direction c’est le coaché qui la choisit dans son propre intérêt et non dans celui du coach. Parce que l’idée d’un accompagnement personnel suppose de concevoir les individus comme libres, autonomes et capables de déterminer eux-mêmes leur identité.

C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la distance juste dans la posture de coach : comment s’assurer de permettre à l’autre l’autonomie de prendre des décisions en plein accord avec lui-même ? Le coach n’est pas un gourou, quel dommage ! Non, plus sérieusement, il n’exerce pas d’ascendant sur le coaché, ni de pouvoir ou de manipulation. C’est le principe de parité entre le coaché et le coach. C’est un équilibre fragile qui demande de la pratique pour y parvenir. Et même avec près de mille heures de coaching depuis que j’ai commencé (si si j’ai fait le calcul), je ne suis pas certain d’y parvenir à chaque séance. L’envie d’intervenir est parfois si tentante. Bref, pour en revenir à vous en tant que manager ayant un lien hiérarchique avec votre collaborateur, vous comprenez mieux pourquoi il vous est impossible d’être à parité et donc d’être son coach. 

En quoi le coaching peut-il être une source d’inspiration pour manager ?

Cette appellation de manager coach est selon moi un raccourci qui induit une impossible simultanéité des postures de supérieur hiérarchique et d’accompagnant. Cependant, vous avez la possibilité d’utiliser certaines techniques de coaching pour optimiser vos compétences managériales sans pour autant franchir la ligne. Et d’ailleurs, vous seriez bien inspiré de le faire car ces outils, qui ne sont pas spécifiques au coaching, sont essentiels pour progresser dans votre management et votre leadership. Vous avez justement beaucoup de pouvoir pour aider vos collaborateurs sans avoir à être leur coach. De quoi parle-t-on exactement ?

Votre ouverture

Pour vos discussions avec vos collaborateurs, surtout lors de vos points réguliers en tête à tête, rendez vous pleinement disponible et ouvert. Libérez-vous du stress ambiant pour retrouver de la bande passante mentale, c’est-à-dire un espace d’accueil de la parole de l’autre. Trouvez un lieu calme et sanctuarisez ce moment pour vous deux dans vos agendas.

Votre écoute active

Pratiquez les techniques de l’écoute active pour comprendre ce qui est véritablement dit et non dit.

Votre empathie

Utilisez les techniques des questions ouvertes pour obtenir des explications détaillées. Soyez empathique et pratiquez avec sincérité de la reconnaissance pour les vécus et les ressentis de votre interlocuteur.

Votre orientation solutions

Une fois que votre interlocuteur a exposé sa problématique puis que vous l’ayez reconnue, vous l’invitez à réfléchir aux façons de la résoudre au lieu de vous attarder longtemps sur les causes.

Votre croyance dans les capacités de l’autre

Vous avec la conviction que chacun possède en soi les ressources nécessaires pour résoudre son problème, soit par soi-même soit en allant chercher de l’aide.

Votre confiance

Elle est le socle de votre management. Il faut être deux à la désirer pour qu’elle existe. Alors autant lancer le mouvement en étant le.la premier.ère à accorder la vôtre. Elle est fragile, elle se dissipe plus vite que le temps qu’elle prend pour s’instaurer. Votre honnêteté et votre exemplarité sont vos meilleurs atouts.

Emprunter au coaching ces techniques de communication interpersonnelle vous aide à adopter l’attitude la plus efficace et la plus adaptée à chaque membre de votre équipe. Le docteur en psychologie à l’Université de Harvard, Douglas McGregor, affirmait que « la façon dont un manager perçoit ses collaborateurs a un effet sur la façon dont ils se comportent ».

Quel est le lien entre le manager et le coach ? La priorité aux compétences humaines

Pour développer ces soft skills en tant que manager, lisez des livres et des articles, écoutez des podcasts, suivez des formations ou faites-vous coacher. Et surtout mettez-les en pratique !

D’ailleurs, je vous recommande la lecture d’un petit livre qui regorge de conseils pertinents et actionnables dans votre quotidien : “The Leader & The Coach” de Steve Chandler et William Keiper. Chandler est l’un des coachs les plus réputés au monde et Keiper a été l’un de ses coachés pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, ils sont amis. Le sous-titre de leur essai dit tout de son contenu et de son ambition : “the art of humanity in leadership”. Voici un extrait du chapitre d’introduction :

« Notre expérience nous a montré qu’un dirigeant capable de coacher une personne dans sa globalité – en tenant compte de son corps, de son esprit et de son âme – sera en mesure d’attirer, de développer, de retenir et d’optimiser le talent de ses collaborateurs. Nous pensons que les dirigeants dotés de compétences traditionnelles qui embrassent l’humanité, fondement d’un coaching réussi, peuvent créer de puissantes transformations pour les individus, les équipes et eux-mêmes. » 

Chandler et Keiper utilisent le verbe “coacher” dans sa acception populaire de vouloir aider les autres pour que leur vie – ici au travail – soit meilleure. C’est sans doute ce que désigne cette expression de “manager coach” très en vogue actuellement dans le secteur des RH. Le terme coach est valorisant pour un leader. On passe du ringard manager patron au moderne manager coach, doué de nobles qualités personnelles d’expérience, de sagesse et de charisme. 

Née dans les années 60 dans le sillage de la psychologie humaniste américaine, la pratique du coaching se structure à l’orée du 21e siècle. Une activité qui se répand tellement que les humoristes s’en emparent pour mieux en dénoncer les excès. Voici une parodie de couverture d’un magazine fictif, réalisée par Grandpamini.

Cette promesse commerciale de “manager coach” attire le regard du chaland sur des formations et des ouvrages qui se veulent à la pointe dans leur domaine. Si l’intention première de ces formateurs et de ces auteurs n’est sans doute pas de tromper, elle peut tout de même générer de la confusion chez les managers et les responsables RH de gestion des talents et de formation. 

Certes, développer les membres de son équipe est l’un des rôles essentiels du manager. Et plus vous aurez à votre disposition d’outils pour les faire progresser, meilleur sera votre leadership, sans pour autant abandonner votre position de manager pour celle du coach ou du psy – voire du gourou – impossible à occuper et surtout non désirée par le collaborateur.

Toute ces compétences humaines que vous vous appliquez à utiliser et à renforcer, on les nomme aujourd’hui improprement soft skills par opposition aux hard skills, les compétences techniques. En quoi seraient-elles douces alors qu’elles sont les pré-requis au développement des compétences techniques ? Ces soft skills semblent bien plus “dures” (“hard”) que leur nom l’indique, puisqu’elles soutiennent un édifice complet d’acquisitions de compétences variées. C’est pourquoi, de tout temps, ces qualités humaines sont louées, quelles que soient les cultures et traditions philosophiques. Et dans l’avenir, je prédis qu’elles seront encore davantage plébiscitées.

Dans leur livre, Chandler et Keiper présentent les résultats d’une étude McKinsey en 2021 portant sur les compétences fondamentales dont les citoyens auront besoin dans le futur monde du travail, sur les base des réponses de 18 000 personnes dans quinze pays. Ils écrivent :

“Le rapport indique que “(…) tous les citoyens bénéficieront d’un ensemble de compétences fondamentales qui (…) ajoutent de la valeur au-delà de ce que peuvent faire les systèmes automatisés et les machines intelligentes, qui fonctionnent dans un environnement numérique et qui s’adaptent continuellement à de nouvelles méthodes de travail et à de nouvelles professions ». Il s’agit là de capacités proprement humaines.

L’étude fait référence à plusieurs attributs qui permettent d’atteindre un degré plus élevé d' »humanité » sur le lieu de travail. Il s’agit notamment d’être empathique, d’inspirer confiance, de faire preuve d’humilité et d’offrir une plus grande sociabilité dans le contexte « professionnel ». En outre, les compétences relatives à l’inclusion, à la collaboration, à l’autonomisation, à la résolution des conflits et au coaching ont été identifiées comme ayant une grande valeur.”

Face à la croissance exponentielle de l’utilisation des intelligences artificielles, je suis heureux de contribuer, avec mon métier, humblement au développement des qualités humaines et des compétences personnelles et comportementales au travail. Je ne m’inscris pas en opposition aux progrès des sciences et des technologies. Bien au contraire, je les intègre à mon rythme car je perçois ce qu’elles peuvent améliorer dans ma vie et mon travail, mais sans jamais concéder aux valeurs humanistes qui m’animent et me guident.


Guilty Pleasure

Bande-annonce du documentaire « Le Dilemme Lincoln ». © Apple TV+

Le dilemme Lincoln” est un documentaire en quatre parties centré sur l’héritage d’Abraham Lincoln et sur le long chemin vers l’abolition de l’esclavage aux États-Unis. Cette série analyse avec un œil contemporain la complexité d’un homme, mais aussi les personnes et les évènements qui ont fait évoluer sa position sur l’esclavage. 

L’étude historique de ses positions révèle davantage un fin stratège politicien plutôt que l’image d’Épinal du grand émancipateur qui lui a été attribuée après sa mort. Ainsi, sa ratification du XIIIe amendement de la Constitution des États-Unis, qui abolit l’esclavage au 1er janvier 1863, lui permet d’enrôler des dizaines de milliers de soldats noirs (anciens esclaves) dans l’armée de l’Union et d’espérer enfin vaincre les états sécessionnistes. La guerre civile prend fin le 9 avril 1865. Cinq jours plus tard il est assassiné.

Abraham Lincoln est considéré, tant par les historiens que par le public, comme un des plus grands présidents des États-Unis. Il était une figure complexe qui luttait avec ses propres opinions sur la race. Les témoignages des historiens convergent sur le fait que le 16e président états-unien était un leader particulièrement doué de soft skills (communication, empathie, influence, prise de décision, …). Le documentaire illustre comment les épreuves et les traumatismes, qu’il a traversés ou dont il a été témoin, l’ont rendu plus humain à chaque fois.

L’un des historiens raconte que “Lincoln est impacté par les groupes d’anciens esclaves qui fuient les états sudistes et s’établissent à Washington. Lors de ses trajets quotidiens de l’armée à la Maison Blanche, il passe sur la 7e rue devant un des camps de réfugiés. Ils le saluent quand il passe. On raconte beaucoup que Lincoln s’arrêtait pour leur parler, écoutant l’expérience des femmes noires dans l’esclavage. Lincoln a donc ce désir de comprendre ce qu’il n’a pas vécu. Cette compassion, en parlant à ces anciens esclaves, l’a transformé car ça rend l’esclavage réel.”

“Le dilemme Lincoln” est à découvrir sur Apple TV+.


Citation

photo : droits réservés

« Je ne peux rien enseigner à personne. Je peux seulement les faire réfléchir. »
Socrate

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