Photo du capitaine de l’équipe de France de football, Kylian Mbappé, en conférence de presse, jeudi 23 mars 2023, au Stade de France.

L’agilité émotionnelle au travail

Le 20 mars dernier, le sélectionneur Didier Deschamps nomme Kylian Mbappé capitaine de l’équipe de France de football. Quelques jours auparavant, il avait dressé le portrait-robot du candidat idéal: “la légitimité” en critère principal, ce qui passe par le “leadership technique, le leadership mental et l’état d’esprit”. Les réactions sont unanimes quant à la maturité du célèbre buteur de 24 ans sur ces trois points. Il impressionne même tant il maitrise sa communication et sait être habile dans le choix de ses mots aussi bien sur les réseaux sociaux qu’en interview. 

Sur le terrain, on l’a vu aussi être en mesure de gérer ses émotions. Vous vous souvenez sans doute de ces images qui le montrait si déçu et triste au dernier coup de sifflet de la finale de Coupe du monde football au Qatar. Pour ajouter à sa difficulté, le président français descend sur la pelouse en bras de chemises pour le consoler avec insistance, le prenant dans ses bras et lui caressant la tête comme avec un enfant. Alors que le joueur encaisse l’échec de l’équipe de France, il doit gérer en même temps le geste de communication du politique. Malgré la pression médiatique des 1,5 milliard de téléspectateurs, c’est avec professionnalisme que Kylian Mbappé garde le contrôle de ses émotions que l’on devine complexes. Il tente d’échapper au président avec tact, tout en assumant sa tristesse. Cette compétence porte un nom : l’agilité émotionnelle.

Accueillir ses émotions et les transformer

Le concept de l’agilité émotionnelle est développé par le Dr Susan David, psychologue à la faculté de médecine de Harvard. Son livre qui présente la méthode est devenu un best-seller. Sa lecture aide à prendre davantage conscience de ses émotions, à apprendre à les accepter et à faire la paix avec elles, puis à s’épanouir en stimulant son agilité émotionnelle. On pourrait dire qu’elle s’inscrit dans la continuité des travaux de Daniel Goleman sur l’intelligence émotionnelle.

L’agilité émotionnelle ne consiste pas à contrôler vos pensées ou à vous forcer à réfléchir plus positivement. D’après Susan David, des études ont démontré que c’est impossible, voire contre-productif. Pour être émotionnellement agile, il faut avoir le choix de ses réactions face à son système d’alerte émotionnel. Susan David cite le psychiatre Viktor Frankl : “Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace. Et dans cet espace, nous avons le pouvoir de choisir notre réponse. Notre liberté et notre épanouissement se logent dans cette réponse.”

L’agilité émotionnelle est un processus qui permet de vivre l’instant présent, de changer des comportements ou de les conserver de façon à vivre en accord avec vos intentions et vos valeurs. Le processus ne consiste pas à ignorer les émotions et les pensées toxiques. Il permet de les accueillir avec bienveillance, à les affronter courageusement et avec compassion, puis à les dépasser pour que de grandes choses se produisent dans votre vie. Le processus d’acquisition de l’agilité émotionnelle se déroule en quatre mouvements essentiels : accueillir ses émotions, prendre du recul, affirmer ses valeurs et poursuivre sa route.

Avec un peu de pratique, tout le monde peut utiliser les techniques de l’agilité émotionnelle pour modeler sa vie au bureau, plutôt que de se laisser modeler par les contraintes professionnelles.

Sortir du piège au travail

L’opinion qui prévaut dans la majorité des cultures d’entreprise est que les pensées et les sentiments désagréables n’ont pas leur place au bureau et que les employés, et plus particulièrement leurs managers, doivent être stoïques, voire éternellement optimistes. Mais cela va à l’encontre de la biologie de base. Aussi excellents soient-ils à leur poste, tous les êtres humains en bonne santé sont soumis à un bouillonnement intérieur de pensées et de sentiments qui incluent les critiques, les doutes et la peur. Cela fait partie du fonctionnement normal du cerveau humain qui essaye de comprendre, d’anticiper, de résoudre, d’éviter les obstacles éventuels.

C’est aussi pourquoi des pièges potentiels surgissent un peu partout au bureau. Le travail puise dans nos croyances cachées et intègre l’idée que l’on se fait de soi, notre esprit de compétition et de coopération, et toutes les expériences qui ont précédé notre première journée de travail. Avions-nous des difficultés à nous intégrer lorsque nous étions enfants ? Nos parents nourrissaient-ils des attentes irréalistes à notre égard ? Continuons-nous à mettre la barre trop haut ou trop bas pour nous-mêmes ? Avons-nous confiance en notre propre valeur et sommes-nous fiers de nos talents et idées ou essayons-nous de les dénigrer ou de les rabaisser ?

Même lorsque l’intérêt général semble focalisé sur les chiffres des données quantifiables et des décisions froidement rationnelles, le bureau est une scène sur laquelle se libèrent toutes les tensions émotionnelles – que nous en ayons conscience ou non. Au travail, surtout lorsque le stress devient palpable, nous nous en remettons souvent à nos histoires anciennes qui nous disent qui nous pensons être. Ces vieilles anecdotes poussiéreuses peuvent nous tenir prisonniers à des moments critiques, comme lorsque nous devons composer avec des collègues ayant de fortes personnalités ou avec des commentaires négatifs de notre supérieur. 

Pour progresser professionnellement, nous devons mettre à jour ces histoires, de la même façon que nous actualisons notre CV. Tout comme les petits boulots que nous n’énumérons plus une fois nos études terminées, certaines choses qui remontent à très loin méritent de ne plus y figurer.

Une compétence comportementale clé

L’agilité émotionnelle consiste d’abord à nous libérer du piège des pensées, des sentiments et des schémas toxiques et à aligner nos actions quotidiennes sur nos valeurs et aspirations à long terme. Je vous invite sincèrement à lire son livre pour découvrir la méthode complète conçue par le Dr Susan David et comment l’appliquer dans votre quotidien au travail.

Depuis la crise mondiale du COVID-19, le stress dans les entreprises est au beau fixe. Les cadences s’accélèrent, basées sur la croyance que les technologies permettent de tout faire plus vite sur des marchés en constante mutation. La complexité des vies personnelles ajoute aux défis à relever pour chaque individu. Ces conditions appellent à développer nos compétences comportementales, les fameuses soft skills. L’agilité émotionnelle se révèle être un outil très adapté. 

Quand le sol se dérobe en permanence sous nos pieds, nous devons être agiles pour éviter de nous étaler de tout notre long. Nous devons nous montrer résilients pour surmonter les seules constantes de la journée : l’ambiguïté et le changement. L’agilité émotionnelle nous invite à réfléchir au rôle de cette émotion que nous ressentons, qu’elle soit agréable ou désagréable. Demandons-nous ce qu’elle essaye de nous enseigner.

Photo en haut : Le capitaine de l’équipe de France de football, Kylian Mbappé, en conférence de presse, jeudi 23 mars 2023, au Stade de France. Photo : Franck Fife / AFP


Guilty Pleasure

© Apple TV+

Récompensée par de nombreux prix dont des Emmys et des Golden Globes, la série “Ted Lasso” est l’un des plus grands succès du service de streaming d’Apple. L’une de ses forces est son écriture. Elle se cache derrière le football pour raconter une histoire sur les sentiments, la psychologie humaine et les secondes chances.

La dizaine de personnages, introduits au cours des trois saisons de la série, ont tous gagné en maturité, grâce à l’influence de Ted sur leur personnalité. L’entraîneur américain, venu en Angleterre pour coacher une équipe de football alors qu’il n’y comprend rien, est la gentillesse incarnée. Déja doué d’une grande intelligence émotionnelle, le coach Lasso réussit grâce à son agilité émotionnelle à gérer ses problèmes ainsi que ceux de l’équipe.

“Ted Lasso” est à voir sur Apple TV+.


Citation

L’ancienne première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, lors de son dernier discours face au Parlement. © Service vidéo du Monde

Le 4 avril 2023, dans son dernier discours au Parlement en tant que première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern a mis en avant une autre façon d’exercer le pouvoir, avec intelligence et agilité émotionnelles : 

« … vous pouvez avoir la larme facile, vous pouvez aimer prendre les gens dans vos bras, et être à ce poste. Vous pouvez être tout cela, et diriger un gouvernement, comme je l’ai fait. »

Jacinda Ardern

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